“Sacred Vision”

Vision Sacré : Indianité et Rastafari

« Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre? Ma liberté ne m’est-elle donc pas donnée pour édifier le monde du Toi? À la fin de cet ouvrage, nous aimerions que l’on sente comme nous la dimension ouverte de toute conscience. » 

Fanon, Frantz. 1952. 

Peau noire, masques blancs. Paris : Le Seuil :208-50.

Ouverture 

L’ère culturelle Caribéenne est celle de moult syncrétismes. Ces derniers sont à la fois indicateurs et vecteurs d’une certaine dynamique. Celle du processus de constructions identitaires et culturelles, qui sont liées à l’histoire du peuplement de cette ère géographique, morcelée en territoire-île. 

Ainsi chaque territoire-île possède sa particularité culturelle et identitaire, fruit des ingrédients disponibles par le fait de la présence de groupes humains (déportés et autochtones) se retrouvant à vivre la condition insulaire dans le contexte colonial et sa structure basée sur la violence symbolique. Ce contexte et les conditions qu’il engendre, vont certainement jouer sur la nécessité pour les dominés, de réifier et fortifier leurs spiritualités cultuelles et culturelles.

Chaque groupe humain constitué au facteur de leurs origines ethniques et par la suite leur positionnement conditionnel dans la hiérarchie sociale de la colonie, va au fondement de sa spiritualité originelle et séculaire, amorcer un processus d’adaptation tendant à la survie de son humanité et de sa dignité. Tendant à la naissance d’une relation autre avec un environnement endémique autre. 

Aujourd’hui en observant, la descendance de ces ancêtres et anciens, vénérables, nous appréhendons des particularités qui font des syncrétismes en présence, à la fois des monuments vivants et fondamentaux de l’histoire, des éléments du patrimoine immatériel particularisé en des modes de vie et des visions du sacré dans une diversité-richesse, configurant un champ du possible de croyances, de foi et de pratiques diverses et variés, exhaussant le voeux de vie éternelle. 

« Vue depuis une perspective eurocentrique, c’est-à-dire du côté hégémonique de la différence coloniale, ces processus culturels sont conçus comme syncrétiques car l’on reconnait une horizontalité dans les relations culturelles. Cependant, depuis la perspective subalterne de la différence coloniale, hybride et métis constituent des stratégies politiques, culturelles, sociales de sujets subalternes qui, à partir de positionnements de subordination, donc depuis une expérience d’une verticalité des relations interculturelles, insèrent des épistémologies, cosmologies et stratégies politiques alternatives à l’eurocentrisme. » (https://books.openedition.org/pupvd/3342?lang=fr)

Le livre de Claire-Ania Virgile 

Il donne à voir un panel des syncrétismes en vie au sein du peuple martiniquais. Ce livre est clairement le fruit de la vision sensible de Claire-Ania. Ainsi, ce premier livre est certainement le fruit de ses premières questions relatives à ce qu’elle voit de ce qui l’entoure et qui nourrit son intention au partage.

Claire-Ania est doctorante en Études Anglophones, et elle est aussi photographe. Sa thèse en construction, traite de la mémoire féminine, et vous constaterez le soin qu’elle prend à nous montrer la place de la femme au sein de ces syncrétismes. Eux qui dévoilent autre chose que le patriarcat. Ce dernier qui est l’apanage du colon et de sa culture. D’où, la mémoire populaire de ces sociétés comporte une mémoire masculine et une mémoire féminine. À cela est la pertinence de son thème et sujet de thèse. 

Ainsi dans son livre, il est appréciable la valeur artistique du rendu de sa démarche. Lui qui, nous le noterons, est un regard biaisé de bienveillance et d’une intention de valorisation. Elle nous introduit par un regard intime, sur des syncrétismes vivants en Martinique, à une distance relative au cercle intime, des communautés de croyants, celles l’accueillant.

Ceci dit, soyez rassurés, Claire-Ania se garde bien de révéler les savoirs et connaissances propres à l’initiation de ces cercles de solidarité, muant en un vivre-ensemble par célébrations et rites porteurs de symboliques des sens, formulant au monde une vision sacrée, du lieu et de la relation entre le visible et l’invisible. S’y trouve là : une mémoire. 

Le beau et le bon d’une diversité spirituelle mémorielle 

Claire-Ania préfère vous introduire dans le beau et le bon d’une part belle de la richesse et diversité martiniquaise par le prisme spirituel. Celui par lequel une appréhension culturelle de nos sociétés, risquerait de nous fourvoyer. Elle y voit des « cultures  hybrides » et choisit de nous donner à voir des conceptions du sacré et des pratiques rituelles. 

Par conséquent, les lieux et les modèles sont symbolisés par des déclics photographiques, dévoilant la relation au sacré. Elle aborde donc la religion et la spiritualité, par la pratique rituel à travers l’Indianité et Rastafari. Deux courants plus proches qu’il n’y parait, par leurs représentations populaires et leurs sens communs.

Alors, nous allons à la rencontre d’un hindouisme caribéen, du rastafari et de l’Église Orthodoxe Éthiopienne. Il est vrai que ce choix ne nous semble pas hasardeux, puisque le lien historique entre ces trois visions du sacré est véritable. Or, il ne s’agit pas que de ça. Il est aussi question du lien philosophique et spirituel. Car, ce n’est pas simplement un lien historique, c’est une histoire de lien et un partage de valeurs, de  principes et de codes symboliques. 

Nous pourrions envisager pour en parler, de nous projeter à l’époque de l’Abyssinie et du lien qu’elle possède avec l’Inde depuis la période post-coloniale. Nous pourrions envisager le contexte de naissance et de constitution de Rastafari au Pinacle en Jamaïque, et de l’impact de l’intronisation de Haïlé Selassié et Menen Asfaw, après la pawòl de Marcus Garvey. Nous pourrions envisager le déploiement de l’Église Orthodoxe Éthiopienne dans la Caraïbe. De même que nous pourrions évoquer le rôle de l’éthiopisme en toutes ces acceptions, dans la société antillaise post-coloniale, lorsqu’elle engendre une quête nouvelle d’une relation avec la Terre-Mère. 

Nous pourrions envisager le contexte de naissance et de constitution de Rastafari au Pinacle en Jamaïque, et de l’impact de l’intronisation de Haïlé Selassié et Menen Asfaw, après la pawòl de Marcus Garvey. Nous pourrions envisager le déploiement de l’Église Orthodoxe Éthiopienne dans la Caraïbe. De même que nous pourrions évoquer le rôle de l’éthiopisme en toutes ces acceptions, dans la société antillaise post-coloniale, lorsqu’elle engendre une quête nouvelle d’une relation avec la Terre-Mère. 

En tout cas, Claire-Ania aborde la religion et la spiritualité avec une justesse propre à la valeur-principe de respect propre à nos sociétés, c’est-à-dire une écoute active et bienveillante. De son oeil curieux et amoureux de nos humanités, sa vision, elle capte et partage les fréquences vibratoires de moment rituel. Ceux qu’elle a vécu, et qu’elle nous transmet par une esthétique qui donne vie aux couleurs codifiant la dimension du sacré. Je ferme les yeux après chaque photo et j’écoute. Soudain, en une fraction de seconde, j’entends des chants lointains, j’ai la sensation de rites lointains dans un souffle proche (de plusieurs respirations). 

Pour conclure 

Croyez-le si vous voulez ! Car, alors que j’écris cet article, écoutant de la musique, le mode lecture aléatoire enclenché, se propose le titre « Natural Mystic » de Daddy Nuttea, suivi du titre « Destinée » de Yanis Odua. J’ai alors pull up les deux titres dans leur enchaînement. Le tout pour prendre un moment de méditation guidée par une musique qui n’oublie pas son caractère sacré. Mwen ka diw… 

Alors, je finirai cette article en citant l’avant propos du livre de claire-Ania qui dit : 

« L’ancestralité hindo-caribéenne et la noblesse Rastafari ont longtemps été invisibles dans la société martiniquaise. La spiritualité de la composante indienne a été réduite à de simples pratiques magico-religieuses. En ce qui concerne les Rastas, l’hégémonie coloniale n’a cessé de contrecarrer la revendication de ce titre royal et de ses valeurs. 

De cette spiritualité réside un « Natural Mystic », en d’autres termes une science de la nature appartenant à un monde ésotérique. »

Bokanté lanmou-a

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