« La victoire nous sera acquise comme nous acquerrons notre sagesse tout au long de notre pèlerinage de patience. » Malik Duranty
“Kannaval-la: mwen andidan Nou…”
“Nou la ka gadé Mas pasé; mé mizi a mizi, jou ka pasé, nou ni an wotè pou pwan, pou wè sa ki ni an tjè pèp péyi-a.”
Recyclage faut que ça soit durable…
Cette année, le thème proposé à la créativité carnavalesque et donc populaire, est le recyclage. Un thème profondément encré dans la logique même du carnaval. “Trouver par détour, une façon de recréer une utilité à l’usé, l’abimé et le dépassé. Comme si dans notre société, il y avait une autre vision du déchet. Car, revaloriser ce qui est estimable comme usé… de son utilité, est une philosophie quotidienne.
“Météy la monfi, ou paka sav, i pé sèvi an jou.”
C’est aussi, la possibilité de faire le point sur le niveau d’assimilation de notre société, à la société de consommation et à sa philosophie consumériste. Car, cette propension au recyclage, à la fois fonctionnel et symbolique, s’estompe des traits caractéristiques de la culture martiniquaise et par extension de la caraïbe.
Bagay nèf
Remarquons que cela est entre autre lié à une problématique relative à la catégorie sociale et ses représentations. “Sé pagna ki ka jété.” Pourrait-on dire vite fait! Ainsi, remarquerons-nous que dans la classe moyenne, la représentation relative à la consommation inscrit le renouvellement plus que la conservation et la durabilité comme principe. Comme un renversement de tendance par rapport à nos pratiques d’antan pas si anciennes.
Rad anba Kabann
Cette caractéristique identitaire et culturelle qu’est la propension au recyclage, est propre aux peuples nouveaux de la Caraïbe. C’est aussi une caractéristique que l’on rencontre chez d’autres peuples dans des pays ex-colonie, comme en Afrique par exemple. Et aujourd’hui, elle a clairement besoin d’entrer dans une dynamique de développement durable et soutenable. En particulier à la dimension populaire, elle est fondée dans les initiatives créatrices dans cette dimension dans nos quartiers, nos rues, nos lieux-dits faits par notre vécu créateur de proximité.
Yé mistikri! Pani simagwi…
Le thème recyclage de cette année, se devrait d’être fondateur d’une pratique durable au sein de notre carnaval, et au fur et à mesure au sein de notre culture au quotidien. Cela au sens où, le recyclage devrait être réintroduit au rang de principe, ainsi que la revalorisation symbolique le soit au rang de valeur, de notre culture, notre philosophie et notre spiritualité.
Ne plus chercher à profiter de ce que l’autre a, et parfois nous propose; pour vivre avec ce que l’on a, auquel nous donnons de la valeur en terme d’utilité même détournée, et auquel, nous donnons une valeur symbolique; comme cela se faisait à une époque pas si lointaine, en principe.
Mwen wè sa ki té bèl, fout sa bon…
Deux parades, celle de la “Bèt-a-fé” et celle des écoles à Fort de France, furent des moments d’une rare beauté. De ces moments, où nous pouvons nous délecter de la créativité populaire et artistique, tout en faisant partie de l’œuvre. Un moment d’une rare beauté puisque comme l’exige une certaine vision philosophique et spirituelle en exergue malgré tout dans notre société, l’émerveillement est clairement lié à la manifestation simultanée au présent de la présence, du beau et du bon. “Ce qui se dit de ce qui est beau est bon; et ce qui est bon est beau.”
Le recyclage est beau et, il est bon. Qu’on se le dit. À notre échelle humaine, nous en conviendrons tous. Ceci dit, devons-nous tout de même, mettre en garde contre le simulacre. Oui, car pour que ce beau soit bon véritablement, il convient d’être dans une dynamique éthique vis-à-vis du recyclage appliqué dans le carnaval. Cela faisant que nous nous mettions dans une réelle dynamique d’usage de réels déchets à revaloriser. C’est là, tout le défie d’une telle démarche.
En effet, faire usage de l’art et de la culture comme levier d’intervention sociale et éducative, nécessite l’inscription de la démarche dans une réalité concrète et totale. C’est-à-dire que tout se fasse dans les règles de l’art en matière de recyclage. À savoir: la récolte des déchets, leur traitement, trie et stockage; leur inclusion dans une recherche esthétique et symbolique, et au final leur usage dans la création concrète de revalorisation et sa mise en scène dans les rues par le vidé.
Tout de même, l’art et la culture comme levier d’intervention sociale et éducative sont encore bien visible à travers le travail dans les écoles et celui des groupes de carnaval. Maintenant, est-il question de consolider la chose, en faisant de cette période un vecteur pédagogique de choix. Telle est la cause.
Donner au carnaval tout son sens en tant que vecteur de changement de notre société. En avoir conscience aujourd’hui est un essentiel. Car, rien de tel que l’enthousiasme, la convivialité, le partage, l’énergie créatrice dans le réel de la confection de l’imaginé, pour favoriser la compréhension, la participation et l’apprentissage. Ce qui mènera inexorablement vers le témoignage (celui reçu et celui formulé à son tour). C’est en cela que l’éducation donnera à générer des esprits créatifs en notre à-venir.
Tjeubeul anlè nou… fòk nou ladjé kò-nou…
C’est aussi en l’actualité, une période qui permet de constater comme cette année, il est une animosité ambiante qui est à-dépasser. Elle se manifeste en deux choses: Celle du rapport tendu entre les acteurs politiques, cuturels et économiques de notre pays; et celle du fait que la religion soit de plus de plus vecteur d’une forme de séparatisme dans notre société. Deux mouvements qui devraient nous interroger sur la valeur et le principe d’humanisme et leurs déperditions dans la culture au quotidien de notre société.
À cela, tous nous sommes juge et partie dans cette réalité inquiétante de notre pays. Nous d’un peuple qui a une telle histoire, devrions-nous nous laisser aller à perdre notre construction d’une cohésion de peuple-famille au jeu du carnaval des autres? Celui qu’ils ont institutionnalisé dans des religions (association d’égo) et des arènes politiques où se jouent le dominant-dominé. Nous risquerons nous à l’assimilation plus en corps, âme et esprit à cette “société moribonde”?
Alors, disons pour conclure cette première chronique que le carnaval, Notre Carnaval est celui de la rue. On y descend par la famille, et on y est dans le peuple. Il recréé notre dialogue à chaque fois, car c’est l’occasion de parler franchement à soi et aux alentours…
Tout moun sé moun o final
Abat le jugement, la condamnation, la malédiction. Vive nous-ensemble dans le carnaval. Fòk nou palé franchman. Pou di sa ki ni…
Sa ki ba bondjé pa bizwen di sa two fò, nou tout ka wèy…
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Téléchargez le PDF de l’Article ici: Chronique du Carnaval- Épisode 1