« La victoire nous sera acquise comme nous acquerrons notre sagesse tout au long de notre pèlerinage de patience. » Malik Duranty
“Mon coeur bat vite… Je vais tout péter!”
Les Nations Tanbou s’organisent pour être fin prêtes pour les jours gras. Tout pendant ce temps-là, le climat est en pleine métamorphose. Le Carême, la sécheresse s’installe. Le paysage change, le pays sage s’installe. Le chant de la Nature change. S’entend le chacha naturel des arbres à gousses sèches et aux feuillages plus sec en branche.
À l’orée d’un tel temps de passage et d’initiation dans notre péyi, nous célébrons le pasaj de Papa Tanbou. Misié Dartagnan ka fè pasaj-la. I péké soufè an kò. Lui qui n’aura pas été qu’un fils adan divini nou, sé Papa Tanbou an tjè nou. La Société des Bèlèisants lui rend hommage. Lawonn-l’an ouvè.
Une conque de lambi résonne en moi, une vibration s’empare de tout mon corps-mémoire. Je pense à lui, sa femme, ses enfants, sa famille; nous qui l’aimerons à toujours. Nous ferons vivre ses tanbou qu’il nous a confié comme un timide amoureux. Lui, l’Homme-Artisan aux mains de faire Tanbou. C’est un Grand Nègre.
Lui et son père, c’est l’histoire de ce lègue sans pareil, le lègue lorsque Dartagnan compris l’écoute de la matière élémentaire, dont il connaissait l’alliance. Et, c’est aussi l’image du couple dans l’atelier qui me taraude. Lorsque le couple passa du père à son fils; il se fit aussi de l’homme à la femme. Et c’est dans l’œuf de l’atelier, où naissent des tanbou, que se fit famille. Honneur et Respect pour Elle. La société des bèlèisants se souviendra de cette lignée. Elle ne s’éteint pas Elle.
La passion à transmettre! Laquelle?
La passion est ce qui se transmet de génération en génération par nature, sans faire de genre. Car, le premier transmis sont les manières de la passion, l’expression et la vibration de l’émotion qui lève en nous debout par et pour la vivre. Le sentir et le ressentir.
Se crée alors du jour de la naissance un langage et un dialogue émotionnels instantanés. Nait alors ce qui guide et protège l’initiation, la transmission et le passage. Je vois de l’ancien au nouveau, qu’il n’y a qu’un corps, le tien qui aujourd’hui s’éteint ici bas, pour que tu sois étincelant là wò an sous-la, au dessus de nous. Toi qui part en cette fête de la récolte, sois des nôtres par le coeur, le fruit fertile de notre péyi.
Ah ce pasaj an lavi-a, de “manman piano” à “ti-piano” et tous les autres, ton mémorial est tout trouvé. Lalizé lévé bon maten-an, an malfini siflé an tjèy, i bèl nou ka wèy, Lanmou nou pou toujou, nou ké sa fèy Tanbou.
Alors dans notre célébration au tanbou de nous-mêmes, tu résonneras au coeur même de nos lieux…
“Mon coeur bât vite… je vais tout péter!”
Voilà une ritournelle qui lors de ce carnaval 2017, risque d’être chantée à tue-tête dans les rues de Fort de France et ailleurs. Ces rues qui se feront chemin d’une procession carnavalesque tant attendue. À l’heure actuelle, nul ne sait ce que sera Vaval. Ceci dit, à l’aide des réseaux sociaux, et des premières soirées, premiers défilés, la créativité lyrique du peuple s’empare et diffuse des thématiques et ritournelles qui seront en vogue pendant les jours gras.
Cette année, il semble que la “Passion” et son exubérance soient au coeur des débats. Projetons-nous en cela et palabrons cette thématique.
“Mon coeur bât vite (…)” fait forcément référence au phénomène d’emballement que connaît le coeur lorsque l’on est proche de toucher et d’être touché par quelque chose de désiré. Et ce qui se manifeste chez certain d’entre nous, lorsqu’il y a risque et/ou fait, de perdre l’aimé et le désiré. Nous parlons là de cette passion qui est celle de la possession.
Posséder l’objet du désir, sans jamais questionner la raison, le fondement et la manière de ce désir. C’est ce qui constituerait la problématique de ce grand débat qui s’annonce.
Sa ki taw la riviè paka chayé. Mé sé kòw menm ou péké kité la riviè-a chayéy… Mé an dèyò di sa, kisa ki taw, si sé pa kòw menm?
Mon coeur prend un balan, sa ka kouri andidan mwen. L’emballement qui est similaire à ces descentes de notre enfance, sans frein laisser descendre dans le balan. Mais alors, comment vivre sans connaître la paix? Comment y retourner quand le balan n’est plus supportable?
La citation qui fait ritournelle, vient du propos d’un passionné. Il accompagne la tachycardie de son coeur d’une percussion de sa poitrine, pour que l’objet de son désir puisse entendre la chamade de son coeur souffrant l’abandon. Il est seul à tourner en rond dans un parking. Vociférant ce sentiment d’abandon, cette émotion d’impuissance et d’enlèvement du précieux.
Tout cela l’emmène inexorablement dans la souffrance et la frustration vers la “bétise”, le “pétaj”. Ce qui, selon lui, suscite chez lui l’inspiration de la bétise à faire… comme seule et unique alternative. L’effet même du fatalisme d’impuissance qui règne dans notre société.
Est-ce à cela que nous nous attaquerons cette année au Carnaval?
“Mon coeur bât vite… je vais tout péter!” C’est cela qui nous emmène à une problématique, celle demandant à savoir: comment discerner la passion-amoureuse, de la passion-créatrice et de la passion-possessive (excessive) qui semble-t-il, peut s’emparer des deux susnommées?
C’est encore ce qui se joue dans la passion politique, économique, religieuse; celles qui aveuglent par cette passion qui se joue d’intérêt contre intérêt. Sans rien partager. Car, la passion-possession est cette effet du modèle relationnel dominant-dominé qui nous mine de l’intérieur. Jusqu’à ce que “notre coeur battent vite… Et que nous allions tout péter!”
Est-ce cela que nous éviterons pendant le carnaval, visant la catharsis de ces vieux démons de notre assimilation? Ne perdons pas de vue que la visé de ce pasaj, est le retour à la paix, cet état de notre péyi saj, là où, est possible l’amour.
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