« Maintenir la poésie » Festival Mai. Poésie

« La connaissance poétique nait dans le grand silence de la connaissance scientifique. 

Par la réflexion, l’observation, l’expérience, l’homme dépaysé devant les faits finit par les dominés. Désormais il sait se diriger dans la forêt des phénomènes. Il sait utiliser le monde. »

 Aimé Césaire 

En cette année 2023, le mois de Mai accueille dans sa lourde programmation évènementielle de célébrations et commémorations de nos mémoires, la deuxième édition de son festival international de Poésie en Martinique. Étalé sur deux semaines dédiés. L’Association Balisaille, son Président Serge FLORENT, son conseil d’administration et son Directeur Artistique Faubert Bolivar rallume la flamme poétique sur cette Terre de Poètes. Une initiative vivante pour donner vie à son Festival Mai Poésie autour du thème « Maintenir la Poésie » en collaboration avec la Médiathèque du Saint-Esprit.

Une édition riche et dense qui démontre l’épaisseur et la densité de cet art faisant le lien entre littérature et oraliture. Un art se révélant majeur dans le déploiement culturel et cultuel des sociétés humaines, pour lesquels les sociétés en pays insulaire ne sont pas en reste.

Le Thème “maintenir la Poésie” témoigne d’une essentielle nécessité

Le thème « Maintenir la Poésie » témoigne d’une essentielle nécessité en notre temps actuel, celle de sauver l’homme, de sauver l’art. D’où, se révèle l’impérieuse dynamique algorithmique voulant que pour sauver l’art, il faille sauver l’homme, avec la réciproque de devoir sauver l’art pour sauver l’homme.  Cela par le fait que le Poète soit le grand témoin des temps de l’humanité. Lui produisant par la poésie à la fois de la mémoire, de la connaissance, du langage et des visions fulgurantes de l’à-venir de nous, au présent de nos présences au monde. Viendra toujours un verbe enclenchant le commencement d’un mouvement vital.

« Maintenir la Poésie » serait donc la production sensible de connaissances sensibles par des langues-patrimoines. Elles étant inscrites et fondées sur des terroirs vitaux à notre humanité.

Ainsi, le Festival Mai Poésie a proposé cette année, la mise en place d’un temps d’ouverture du Festival. Celui-là s’étant manifesté par des résidences de Poètes dans le cadre du dispositif intitulé : « Poésie Commune ». Un intitulé à forte valeur poétique vous en conviendrez, puisqu’il est plusieurs dimensions d’entendement de cet arrangement sémantique.

“Poésie Commune”

« Poésie Commune » au sens d’un bien commun qui relie les êtres-ingrédients en mélange, d’une constitution culturelle. Autant qu’au sens de la poésie et les poètes inscrits à l’échelon local (celui de la Commune et des quartiers, lieux de proximité). Cette proximité est productrice naturelle de culture et de culte. Elle est l’escarcelle d’expériences-sources de langages.

Anchouké ce Festival international de Poésie au mois de Mai et sa lumière de saison sèche, mwa Karenm. Cette période où l’on voit plus loin et mieux, où l’on explore les lieux de nos îles. Quand sous nos latitudes se réveillent nécessairement les regards poétiques et les gestes poétiques de l’exploration profonde et vaste.

Les résidences de Poètes ont trouvé à se poser comme les graines d’un fromager plantées au Sainte-Esprit à la médiathèque. Elles ont voyagé, légères jusqu’au Prêcheur, le Lorrain, le Gros-Morne, le François et le Saint-Esprit.

À chaque lieu de résidence, deux poètes qui se rencontrent et qui rencontrent la mounité du lieu. Respectivement, l’on retrouve les binômes suivants: Arthur Briand (Martinique) et Mehdi Krüger (France) ; Malik Duranty (Martinique) et Lolita Monga (Réunion) ; Fanfan Meryt (Martinique) et Witensky Lauvince (Haïti), Françoise Foutou (Martinique) et Michel Ducasse (Maurice), Daniel Berté (Martinique) et Hermas Gbaguidi (Bénin).

Je vous laisse à l’interprétation de cette constellation de poètes luisant de la lumière de leur pays natal.

Une semaine de partage poétique, le Poète dit Oui, et est à l’écoute. Et, il repart en quête amoureuse de terre en jachère, pour ouvrir à nouveau un jaden du merveilleux à cultiver pour vivre. Un Jaden sensationnel de mots-libres en poésie pour maintenir l’attention à la vie.

Au Lorrain, j’y étais pour ouvrir dialogue intérieur, tenir en main la lance balisier et proclamer le Chant de la Négritude, le chant du mawonaj en ce mois des mémoires qui en corps vivant, réclament d’être arrosées par le nuage d’altitude. J’ai partagé ce temps avec Lolita Monga pour qui ce séjour (pas le premier) fut une conversation d’île en île entre la Martinique et la Réunion. Et fut l’occasion de recevoir un Prix partagé avec Bernard Grondin pour leur traduction du Cahier de retour au pays natal.

Arrosoir d’une langue poétique, fumeroles suspendues au dessus de trois pierres sous kokonèg. Là chauffe le mélange liquide et visqueux comme magma. Que s’évapore en poème, la parole sculptée d’une langue silex. Langue qui révèle dans le flou de l’assimilé, le goût de la mémoire, l’effort du maintien du digne en verticalité. Langue autrice du respect en écoute active. Elle projette la langue inventive. Celle d’une sémantique qui prophétise une vision escarcelle de devises.

Flèches qui visent le choix du large et l’honorable socle roc de la parole des anciens au lexique de notre liberté.

Poésie

Le Poète ne recycle rien si ce n’est pour y mettre de la lumière et des couleurs, des morphologies et de odeurs recréés par sa langue. Tout ça pour la vivacité d’un geste de sauvetage qui rime avec soulage. Et, il construit un mawonaj qui dit le verbe en mille actes de vivre en harmonie. Cela au plus vaste monde d’une réalité zayann.

Les Poètes ont rencontré les jeunes pousses de notre jaden lavi ici et là en ce lieu de notre vivant. Ils se sont rencontrés entre eux dans un dialogue fait intérieur pour penser et rêver « Maintenir la Poésie ». L’acte était déjà dans la rencontre ouverte sur la relation des langages neufs.

Par la suite, se sont enchaînées une série de tables rondes avec des thématiques propices à la tenue d’atelier de la pensée en notre temps. Il y eut

la Table Ronde n°1 : La Caraïbe a-t-elle produit, produit-elle une épopée des captifs et d’une déconstruction coloniale?

Table Ronde n°2 : La langue et la poésie : quelles interactions? Quelles intimités ? Quelles relations?

Table Ronde n°3 : Les pratiques poétiques orales de chez nous ont-elles conduit à l’émergence d’une esthétique ou d’une pensée critique?

Table Ronde n°4 : La poésie joue-t-elle un rôle dans me pratiques artistiques?

Table Ronde n°5 : La poésie a-t-elle une « bonne » place à l’école et dans les médias?

Table Ronde n°6 : Peut-on traduire de la poésie sans en faire? L’exemple du « Cahier de retour au pays natal » en créole.

Vous retrouverez des extraits vidéos de ces tables rondes sur la page Facebook de l’Association Balisaille. Sans compter les vidéos qui relatent la tenue de plusieurs récitals et la diffusion de films.

Hommages

Ainsi, nous ne pourrions conclure cet article sans préciser que cette année le Festival international de poésie Mai. Poésie, eut mis à l’honneur Monsieur Roger Parsemain pour l’ensemble de son oeuvre poétique. Et puis, organisé un Hommage à Monchoachi avec la projection du film documentaire d’Arlette Pacquit « La parole savaj », et le lancement du nouveau Titre de Monchoachi « Retour à la Parole sauvage » aux éditions Lundimatin qui fut présenté par Daniel Boyer-Faustin

Un Festival international de Poésie en Martinique qui pose un deuxième pas dans sa marche vers la pérennité et l’efficience de son existence allant dans le sens de son thème pour cette année « Maintenir la Poésie »

Finissons par cette citation :

« Et nous entendons fidèles à la poésie, la maintenir vivante : 
comme un ulcère, comme une panique, 
images de catastrophes et de liberté de chute et de délivrance, 
dévorant sans fin le foie du monde. »

Aimé CESAIRE, Tropiques 8-9, Octobre 1943
Bokanté lanmou-a

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