Jou malè pani pran gad

Jou malè pani pran gad

Depuis le début du confinement en passant par la métamorphose en Anbòkayman, je n’étais pas sorti. Jou malè pani pran gad. Je m’appliquais à transformer les restrictions en temps favorable à la paix et l’harmonie dans mon foyer et en moi.

Le covid-19 ne laisse aucune place à la vulnérabilité et à la fragilité en termes de santé. C’est un virus qui s’attaque directement à la relation, par son fort potentiel de contagion. Il met le doigt sur le contexte d’inégalité sociale. Sachant que le précieux de l’humanité est sa santé. Ce virus vient nous le rappeler. Car souvent, sommes-nous borderline vis-à-vis d’elle. La société actuelle ne permet que difficilement de préserver notre capital santé.

C’est là qu’en prenant le temps d’étudier la question, il me vient en mémoire vive, notre cuisine traditionnelle qui se devrait d’être notre mode alimentaire quotidien. Tant elle porte comme caractéristique d’être notre soin permanent à la vie ici… la folkloriser revient à la considérer comme une alimentation exceptionnelle, la glorifiant pour son caractère goûteux et l’enrichissement qu’elle a connu avec les rajouts issus de l’alimentation occidentale. Enfin bref, en lisant la composition des assaisonnements, en salé comme en sucré, c’est toute une pharmacopée qui est en action, associée à des vitamines et des fibres nourris du nannan de la terre d’ici…

En lanbòkayman chez moi avec ma famille, j’étais pris d’un double sentiment. L’un relatif à la crainte du Covid-19 (mes pensées envenimées par la circulation d’un flux d’informations anxiogènes sur la crise sanitaire). L’autre relatif au bonheur d’être dans un huis-clos familial (là où, je pouvais enfin vivre un temps affectif prolongé avec les miens, sans être alpagué par le système et ses obligations).

Oui j’avais atteint cette paix à l’équilibre lanbòkayman de mon être, rimant avec voyage dans cet inattendu. Mon lieu de vie me révélait un autre potentiel par la volonté de tous. Pourtant, il me fallait sortir. Il me fallait ravitailler la famille.

Mine de rien, ce n’est pas une mince affaire. C’est une opération qui réclame que l’on prenne le temps de réduire les incertitudes. Je pense alors à l’adage fondal qui dit « sé lèspri kò ki mèt kò ».

Je suis alors en capacité de respecter le protocole. Comme tous les professionnels de santé qui au quotidien, savent appliquer les principes hygiéniques dans tous leurs gestes. Se concentrer sur soi et sur chacun de ses gestes. Le faire par la vocation de porter le soin, et ça commence par soi. C’est beau.

Alors, quand j’ai fait le choix de sortir. Je comprends que je me dois de le faire avec honneur. Comme les personnels de santé le font tous les jours.

Je serai alors de leur trempe, je m’en assure. En tout cas, je ne serais pas dans l’idée d’être victime, ni même d’être sacrifié. Car, j’ai l’impression qu’en faisant de ces professionnels des gens en sacrifice, il est une vision fataliste. Nous nous enlevons la responsabilité de participer à l’effort. Le total et global que réclame la pandémie actuelle. Oui qui va chez le médecin guérir ? Moi, si j’y vais, c’est pour être guidé vers la guérison. Que le diagnostic de mon témoignage et de mes examens éclaire ces sachants, à m’instruire sur ce qui me fait mal. Ce qui me donne l’opportunité de me porter le soin.

Enfin bref, je préfère penser qu’à mon échelle et par mon savoir-faire, je peux m’associer au soin que la société se doit à elle-même, pour survivre humainement.

Sur la route, je m’étonne

Sur la route, je suis étonné par le nombre de voitures et de piétons. Mais bon, je ne vais pas m’amuser à juger les gens parce que cela m’angoisse un peu de nous voir aussi nombreux dehors. Je préfère travailler à ma détente pour appliquer avec le plus d’attention que possible, les règles dites gestes barrières.

D’ailleurs, ce terme m’étonne comme arrangement sémantique. Sûrement est-il acceptable en ces temps de l’exceptionnel vécu humain. Les gestes qui de coutume nous ouvrent et nous mettent en relation à… Sont dits barrières. Il est question de gestes qui séparent, qui éloignent. Ce qui témoigne de la valeur exceptionnelle de cette mesure. Enfin, j’ose le croire. Car, au prolongement à long-terme, nous verrons bien son effet sur la relation humaine. Car, si nous garantissons l’efficacité de son application, c’est dans le temps que la relation humaine pourra reprendre avec le maximum de survivants dans le peuple (soignants compris). Et, certainement que lanbòkayman aura remis bien des essentiels culturels o mitan de notre regard.

Voilà, entre-temps je suis garé sur le parking. J’ai passé le contrôle de mes papiers dans le giratoire. Je n’ai pas tourné en rond, il est nécessaire d’aller à l’essentiel. Me voilà de nouveau sur le parking. Mwen ka gadé mas pasé. Je fais le point sur ma liste, je ramasse tout mon courage, tout mon amour, il va falloir y aller.

Pour le moment, je suis dans un espace familier : la voiture. Je ne porte ni gant, ni masque. Ils ont une durée d’efficacité limitée une fois mis en fonctionnement. Alors maintenant que je vais mettre pied à terre, et aller en des lieux publics et fréquentés, je m’équipe en conséquence. Je mets un sachet à mes pieds. Je le prépare à recevoir gants et masque au retour. Je positionne mon flacon de liquide hydro-alcoolique. Je prépare ma playlist pour la route retour.

Annay, annou ay, après désinfection des mains, je mets mon masque, mes gants, attrape mes sacs, ma liste et mon bic. Je descends en laissant dans la voiture, ma vaporeuse et mon gsm, ce sont des objects propices à véhiculer des microbes et autres. Je ne prendrai pas le risque de les infecter. Je referme la voiture en me répétant : « ne confonds pas vitesse et précipitation ».

Je souris des yeux. Je ne sais même pas si je peux parler aux gens. Ils ont tous l’air speed et ata. Je reste concentré à ma liste. Là où je vais. J’ai l’impression d’y être pour la première fois. Partout la distance me gêne. Il y a vraiment une impression d’être loin des autres. L’autre pouvant être un danger et/ou une victime de celui que vous êtes pour lui. Peut-être un contaminé. Waw

Sur la route

Toujours en suivant le protocole, j’ai œuvré à l’extérieur. Nulle part, je n’ai trouvé la sensation d’un intérieur, au sens d’une relation de proximité avec les présents. Un espace vécu en commun sur l’instant. Leur présence étant sûrement restée chez eux, dans la pensée de leurs proches et dans la leur. sé pa pèd tan. Annou fè sa lamenm.

Maintenant, je prends la route du retour. Encore une fois contrôlé dans le giratoire par les forces de l’ordre. D’habitude, ils s’occupent de la « criminalité ordinaire » ou d’être par leurs présences, les symboles des limites à ne pas franchir. Ainsi, nous devons rester dans le rationnel légal. Eux en acteurs de la coercition légitime y sont les garants sur l’honneur. Pourtant, il n’est plus question de zanzolé avec la loi maintenant. Il est question de bon sens sans zèl, d’appliquer des règles qui ont vocation à la prévention et à la préservation. Nous nous devons d’être des survivants.

Entre-temps, mwen ja viré, mwen ja a bò, tjèk boum, son ka tonbé, je relâche la pression. Je roule file de droite, avant de bifurquer par les rues intra quartier. Je roule moins vite, et je discute dans ma tête, pour évacuer les idées anxiogènes que j’ai ramassées en sur-informations sur la crise et tous les axes de son analyse. Je suis en pleine phase de dépollution et il n’est pas question que je m’autorise une dérogation. Il ne faut pas remettre à plus tard ce que l’on peut faire au plus tôt.

Fiche que la pensée va vite, lorsqu’il s’agit d’imaginer le contraignant, le nuisible, le moribond et le catastrophique. C’est une propension qui est la nôtre par conditionnement aux réseaux sociaux et les médias. Pourtant, il est tout aussi simple d’imaginer tout autre chose. D’être par nature positivateur. Le faire tout à fait positivement en une fraction de seconde, penser positif. Pour cela, il faut faire taire le reste. Le reste qui n’est pas soi.

J’arrive dans le quartier

Je trouve finalement que tout se passe bien. Je me mets à penser positivement à mes proches. Les aimants de tout mon cœur, je leur souhaite la vie. Subitement, la luminosité s’intensifie comme pour magnifier mon souhait.

J’arrive dans le quartier et à la radio, une Dame appelle pour lire un passage de la Bible, duquel, elle lit et traduit la description de ce que nous vivons actuellement. De cela subitement, alors que j’allais super bien, je me sens affligé et fatigué.
Cela emporte mon imagination dans une sorte de songe bien sombre. En mode apocalypse. Malgré tout, un sursaut me touche. Et je me dis Mondié est un Dieu d’amour, ce qu’il est lui en moi, est divin. Je prends conscience, en me demandant là : comment fait-on pour croire fatalement en la fin du monde, et œuvrer pour se maintenir en vie ? Comment expliquer cela ? Je pense alors à tous ces croyants dont le rapport au créateur est fondé sur la crainte et l’externalité de sa présence, et je ne comprends pas. Ces mêmes croyances ont aussi tendance à nous diviser en un clivage sauvé-noyé. Et, je n’imagine pas œuvrer en mon sentiment d’humanité, par une politique préférentielle.

Oui, je le pense la foi nous aide à voir, entendre, sentir, ressentir, toucher, vibrer avec les harmonies de la nature d’où nous sommes des éléments d’une grande somme. Le partage est donc comme la solidarité dans notre nature. Et pour cela, la foi nous réconforte pour accepter la mort. La foi n’est pas pour moi l’assurance d’une mort à la bonne destination. Elle est l’essentiel de notre vécu de l’instant présent, en lâchant prise au présent de la présence.

Alors oui, comme j’ai la foi, je comprends mille fois ce que veut dire « aide-toi et le ciel t’aidera ». Cet adage se traduisant en ces temps actuels en « aidons-nous et le ciel nous aidera ». Et cela commence avec une pensée positive cultivée, à chaque instant et chaque geste de vie.

Dans l’idée d’anbòkayman, les gestes-barrières deviennent des gestes de vie. Et ne vous inquiétez pas politesse, sourire, regard sincère, écriture de posture et autres éléments de langage sans contact, sont encore là pour nous éviter l’agitation. Bélya Manmay-la.

Retour à lanbòkayman

J’y suis, j’ouvre la barrière, fais entrer la voiture, commence le protocole de retour en lanbòkayman.

En faisant entrer la voiture, je pense encore aux personnels soignants. Juste pour me sentir comme leur collègue et ainsi mettre une rigueur professionnelle à ce dernier protocole à mettre en œuvre. J’ai pris quoi qu’on en dise un risque en sortant. J’en ai conscience. Et pour raviver ma confiance, rien de tel que d’assurer ce dernier protocole.

J’en viens à me dire que la force de leur honneur, à mettre du soin pour eux et leur famille, c’est encore un acte de prévention et de préservation de la vie pour eux, leur famille et leurs patients. Comme il en est de même pour moi à l’instant t.

Voilà c’est parti, et ma compagne, le vecteur collectif d’unité de ma vie, vient m’aider. Car, il n’y a pas mieux que de collaborer pour réussir, et quoi de plus doux qu’un accueil soigné qui préserve la santé. Dès lors, chacun se rassure par les retrouvailles. Je suis toujours retourné chez moi pour me réconforter. Vivre pour cela en partage avec ceux qui m’aiment, sans me partager, juste en étant entier, moi-même un dans les uns du tout que nous formons ensemble.

D’où je suis, je me mets face au soleil, le visage levé vers celui de père soleil, et je laisse ma glande pinéale se charger de cette force en vibration lumineuse. Ça ne s’invente pas. Sur le moment sans faire exprès, j’élève spontanément une prière pour les bénéficiaires des actions du service social pour être bien large. Je sais que le confinement ne crée pas d’égalité de fait. Bien au contraire, il est des gens sans domicile fixe, des gens dont le domicile ne se prête pas à une assignation en toute quiétude, et je pense aux hôtels qui sont fermés. Une prière pour ceux qui luttent à la limite avec le virus. Une prière pour ceux qui n’ont pas compris. Alors, j’en appelle à la lumière pour éclairer nos cheminements.

Une chose est sûre, en lanbòkayman nous avons l’occasion de nous rapprocher de l’essentiel. Nous avons l’occasion de garder notre honneur, cette dignité morale quand morale rime avec bon sens de la survie, bonne direction de la vie vers Kap Lanmou.

Kap lanmou

Lalalala
Il y a quelque chose
Un je ne sais quoi
Un pendant là qu’il faut saisir

Lalalala
Il y a quelque chose
Et je le sens là
À l’endroit où chut
Vit
Cet endroit dit mon péyi
Lui qu’il faut saisir

Kap lanmou

C’est une destination qui ne s’atteint pas
Elle s’installe dans nous au fort intérieur
Vibre d’ici dedans se répandant d’ici à l’ailleurs
Peu importe à quelle vitesse quelle distance de pas
Ça marche

C’est une sensation des plus fidèles
Elle vibre au fond des yeux comme une paire d’ailes
Ça plane

C’est un jour nouveau à chaque fois
De nous nouveau par la foi
D’une vie toujours plus vaste

Mwen té ja jaja péyi-nou
Ki di nou
Mwen té wè lwil
Kon dlo lanmè
Ka lyanné-nou

Mwen té ja jaja fòs-nou
Fòs limanité ki di nou dignité
Sé lonè rèspé nou
Ki ka di lavi mèsi
Nou tribiché i bèl
Nou pa mantjé tonbé
Nou doubout

Kap lanmou
Sé jou nou ka wè jou
An tjè nou
Ki tjè péyi nou

Lanbòkayman-nou
Pou nou ka tjèk kò-nou

Et si demain
Nous voulons plus qu’hier
Nous voulons vivre sans misère
Tout cela à un nom

Et si aujourd’hui
Nous habitions franchement la Terre
Plein de sentiment
Hors du tourment

Je veux habiter avec toi ce lieu
Je veux habiter avec toi ce temps
Je veux habiter avec toi nos sens

Nous nous aimons
Ne nous endeuillons pas pour ça
Annou pran Kap lanmou
Première escale Anbòkayman

Paskè
Nous dans nos rêves
Il n’y avait pas tant d’obscurité
Tant de malheur à la sueur de la cupidité
Notre sentiment d’amour n’a jamais capitulé
L’à-venir n’est pas si sombre
Aprè lapli sé solèy

Toi mon enfant la merveille
Tu verras l’humain sortira de son sommeil
Il sortira la tête pour son éveil
Ouvrira les yeux pour qu’il s’émerveille
Ouvrira son ouï pour la musique simple du réveil
Ouvrira son corps à une vibration lumineuse Soleil

Nous dans nos rêves
Nous sommes tout bonnement libres
De leur tourment d’abondance
Combien de fois avons-nous guéri
En nous la mémoire des premières résiliences
En nous la mémoire de la terre promise ici
Quand nous la regardions libre
Comme une mère

Car notre nature
N’est pas celle de l’absence
Elle est celle de notre présence
Au présent de notre soin permanent
Dans le lakou de lavi

Écoute le chant de la ravine
Et devine

Lire aussi :

Anbòkayman :

Anbòkayman (mèsi Kofi)

Arbre de Vie : https://youtu.be/1xx0NteoNk8

Sortie de « L’Arbre de Vie » de Malik Duranty

Bokanté lanmou-a

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